Maman et Boby
peinture d'Henri Sarramon

 Souvent maman s’affairait près de nous, à enlever les fleurs fanées des géraniums, à cajoler ses orangers. Elle avait deux passe-temps favoris : ses bêtes et ses fleurs.

On la voyait assez peu à la maison, elle en confiait le soin en partie à notre employée, on disait « bonne » à ce moment là. Madeleine était arrivée de sa montagne natale dans le haut Val d’Aran, elle ne connaissait que le Catalan, a appris le Français au fil des jours, et ne savait rien faire, mais intelligente et pleine de bonne volonté, elle était devenue une maîtresse de maison accomplie, quand elle s’est mariée avec un propriétaire aisé des environs.

Maman avait donc le loisir de veiller sur ses fleurs, de voir avec le jardinier Léon ce qu'on pouvait faire venir du jardin, et surtout de s’occuper de sa basse-cour. Elle avait aménager trois volières : une pour les Leghorns poulettes blanches, excellentes pondeuses, une autre pour les Faveroles, magnifiques volailles qui nous procuraient de beaux rôtis et se montraient des couveuses de qualité, leur volume leur permettait de couver jusqu’à 24 œufs, et enfin les Wyandottes réunissaient un peu les qualités des deux.

A côté des volières, se trouvait le clapier à lapins où chaque race, là aussi, avait sa lapinière. Les blancs aux poils longs, dont il aurait fallu enlever l’angora régulièrement (mais cela faisait trop de peine à Maman). Les Chinchias aux pelages magnifiques, qu’on a essayé plusieurs fois de tanner, sans résultat très spectaculaire, et enfin les plus beaux, de superbes bêtes gris bleu.

 

Le pigeonnier

 Mais les préférés de Maman étaient les pigeons et là, elle réussissait moins bien. Certes, elle avait fait construire un coquet pigeonnier, celui au dessus d’une des volières ne les ayant pas retenus, mais elle n’a pas eu plus de succès. Ils partaient chez nos voisins dont ils ne revenaient que rarement 

Paons et faisans n’ont jamais réussi à rester plus de quelques mois, à la désolation de maman.

Et enfin, il y avait les chiens et les chats. Les premiers dont je me rappelle étaient deux chiens loups, donnés par des paysans voisins.

 Tanguy et Circo étaient de bons gardiens, c’est tout. Ensuite est arrivé Jip, un autre loup remarquablement intelligent, notre grand ami à Marthou et à moi.

Plus tard nos parents ont ramené de Bretagne un beau loulou de Poméranie, Boby, bien différent des loups mais tout aussi attachant, il ne quittait guère maman. Ce n’est que bien plus tard, que nous avons eu notre dernier chien, le grand bien aimé de nous tous : Willy.

Maman et les chats

Le jour où maman nous a quittés, il est venu s’installer à la maison, où il est mort quelques années après. Nous avons eu tellement de chagrin que je n’ai plus voulu d’animaux. Les chats étaient souvent des sujets de discorde. Les femelles toujours très prolifiques, mettaient au monde une multitudes de rejetons. Papa nous en débarrassait en les jetant dans la Garonne, enfermés dans un sac lesté d’une lourde pierre.

Chaque fois maman en était malade et obtenait souvent une rémission pour l’un d'eux.

Nous avons même eu une vache,  Roussette, et pendant quelques années, le jardinier élevait un cochon. On le nourrissait avec des pommes de terre et des navets, que l’on cuisait dans un grand chaudron en fonte.

Plus tard, nous achetions le cochon engraissé. La cuisine du cochon était un des grands évènement de l’année avec la lessive.

Le tueur du pays, retenu plusieurs semaines à l’avance, arrivait tôt le matin. La cuisinière préposée au même service, se tenait à l’avant de la grande cuve en bois (genre cercueil) deux hommes tenaient ferme notre animal. Marthou toute fière lui tenait la queue. Pendant que je m’enfermait le plus loin possible pour ne pas entendre les cris de l’animal, le tueur l’égorgeait à l’aide d’un couteau pointu pendant que la cuisinière remuait le sang qui s’égouttait, ceci-paraît-il pour éviter la coagulation : on le mettait de côté pour le boudin celui- ci était la première phase de la cuisine du cochon. On déversait un grand chaudron d’eau bouillante pour la toilette du cochon. On le débarrassait de tous ses poils avant de le suspendre accroché à une poutre.

C’était trois jours de travail et de joyeuse effervescence. La cuisine ressemblait à une ruche avec Tantinette, la sœur de maman, bonne vivante. Elle avait l’art de mettre une joyeuse ambiance. Nous avions, aussi, notre cuisinière Marie, notre brave lingère, et Madeleine pour entourer Maman.

Le tueur s’occupait du dépeçage, des jambons, du lard et du petit salé, nous l’appelions "la cansalade", que l’on plaçait dans une grande cuve en bois, en intercalant gros sel et porc, où il restait un peu plus d’un mois. Il désossait le reste de l’animal et maman mettait de côté une partie du filet. Les autres s’occupaient du reste de la viande. On la coupait d’abord en morceaux assez gros que l’on hachait ensuite à l’aide de la machine. La plus grande partie servait à faire des saucissons et de la saucisse. On en mettait un peu de côté que l’on mélangeait avec le foie pour en faire de la saucisse de foie. Après les avoir salés et poivrés, on laissait reposer le tout quelques heures, pendant lesquelles on coupait la graisse que l’on cuisait à petit feu dans un grand chaudron en cuivre.

Maman nous avait fait un petit tablier coupé dans un torchon blanc à raies rouges. Nous coupions la graisse avec Marthou, c’était notre grande réjouissance. La viande de la tête et du tour du cou (le gargoula) servait pour le boudin et le pâté de tête.

On ne vendait que très rarement des boyaux. Il fallait surtout se servir de ceux de notre «  ministre ». C’est la cuisinière qui se chargeait de ce travail peu sympathique.

On les laissait tremper une nuit dans l’Armagnac après leur avoir fait une bonne toilette. La saucisse et surtout les saucissons sont un travail délicat : il ne faut pas percer les boyaux en serrant trop et les serrer assez pour qu’ils conservent, si on laisse des bulles d’air ils rancissent.

Si on pouvait se procurer du foie, on gardait un gros morceaux de lard et de cansalade pour faire des pâtés.

On mettait la graisse une fois cuite dans un grand chaudron. Ce qui restait dans la passoire servait à ces délicieux pâtés de fritons : ils faisaient nos délices l’été.

Dans le chaudron de la graisse, on laissait un petit fond, et on le remplissait d’eau suivant la quantité de millas que nous désirions. Confectionné avec la farine de maïs, il fallait le remuer sans cesse jusqu’à sa cuisson. Cuit on le parfumait avec de l’extrait de citron et un peu d’eau de fleur d’oranger. On le servait ensuite dans une grande corbeille rectangulaire sur un grand linge légèrement enfariné.

Le tout se terminait en donnant un présent à chaque participant de la cuisine : roti, saucisse, boudin et millas.

Pour nous la fête était finie. Maman elle, devait respirer.

Je n’ai réalisé le train train que cela représentait, qu’au moment de la cuisine du cochon à Balma, chez Henri, mon fils, où cependant le gros du travail revenait à Hélène et au métayer.

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